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Il y aura bientôt des élections aux Etats-unis. « La guerre contre le terrorisme » est toujours l’un des thèmes chauds des débats politiques actuels. Dans un contexte de violence domestique et urbaine élevée, dans une société où les médias montrent la violence dans toutes ses formes à longueur de journée, le pardon des amish offert à la famille de celui qui a tué plusieurs filles continue à provoquer l’étonnement et la discussion. D’une manière surprenante, un journal catholique américain se demande ce qui serait arrivé si les Etats-unis avaient réagi de la même manière après le 11 septembre 2001. Cet article se trouve dans le National Catholic Reporter.

En langue française, venant du monde catholique, nous avons trouvé quelques mots sur le témoignage et le pardon des amish. De même, les paragraphes suivants ci-dessous viennent du « moine ruminant ».

La leçon de Nickel Mines

Jésus dans son évangile nous propose une voie inédite dans la lutte contre le mal et la violence, une arme insoupçonnée dans la rencontre du frère ou de la soeur qui se dresse en ennemi. C’est la force du pardon. Non pas le pardon qui est démission ou qui fait fi de la justice et de la vérité, mais le pardon évangélique qui est capable de porter un regard lucide à la fois sur soi et sur l’autre, qui est capable de voir en cet autre, en dépit de ses fautes, le frère ou la soeur qui s’est égaré.

Utopique ? Bien sûr ! Comme tout l’évangile d’ailleurs. Mais parce que notre Dieu est le Dieu de l’impossible, ses paroles deviennent promesses pour nous. S’il nous invite à nous pardonner, s’il nous commande de nous aimer les uns les autres jusqu’à aimer nos ennemis, c’est qu’il nous sait capable d’un tel dépassement. Puisque nous sommes capables de Dieu (capax Dei), nous sommes capables d’aimer et de pardonner. C’est à cela que nous sommes appelés, c’est le coeur de notre vocation de fils et de filles de Dieu.

Jésus nous enseigne une voie de perfection pour accueillir le Règne de Dieu : le don réciproque les uns aux autres de cet amour prodigué si généreusement par Dieu et qui, dans sa pointe extrême, devient pardon, ce pardon total et inconditionnel dont témoigne Jésus sur la croix. En Jésus nos yeux ont contemplé l’Amour à l’oeuvre et nous savons désormais que seul l’amour qui sait pardonner est vrai et digne de ce nom. C’est dans cette vie imitée et contemplée que le pardon prend tout son sens pour les chrétiens et les chrétiennes, où il apparaît comme la seule force capable de soulever le monde et de transformer les coeurs. Pour moi c’est la leçon de Nickel Mines.

lundi, le 9 octobre 2006 Les Amish et le pardon

Sans doute avez-vous pris connaissance des récents événements dramatiques, disons le mot, les tueries, survenues en Amérique du Nord ces dernières semaines. Des tueurs fous qui entrent dans des écoles et qui abattent des élèves, ou des élèves qui assassinent leurs professeurs.

Je retiens surtout les événements survenus à Nickel Mines, en Pennsylvanie (É.U.), dans la communauté Amish, où dix jeunes filles ont été abattues par un père de famille sans histoire. L’étonnant, et je dirais ici le lumineux dans cette page sombre de nos passions humaines, c’est à la fois la réaction de l’aînée des élèves tenues en otage (13 ans) et celle de la communauté Amish. La jeune fille s’est tout d’abord offerte pour demeurer seule comme otage en demandant à l’assassin de laisser partir les autres. Il a refusé. Quant elle a vue qu’il était pour les abattre toutes, elle a demandé à être tuée la première en espérant que cela dissuaderait l’homme de tuer les plus jeunes. Quelle maturité spirituelle et sens de l’abnégation chez une enfant !

Le responsable de la communauté Amish a eu cette réaction en apprenant le comportement de la jeune fille : « là où le péché s’est multiplié la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Une profonde réaction de foi qui ne s’est pas démentie tout au long de ce drame. Les Amish ont tenu à exprimer publiquement leur pardon à l’endroit de l’assassin, « un voisin paisible » de leur communauté, et le jour de ses funérailles, soixante-dix membres de la communauté Amish se sont présentés à l’église afin de prier pour lui et aussi offrir leur soutien et leur sympathie à sa veuve et ses enfants. L’épouse de l’assassin a même pu participer aux funérailles de l’une des jeunes filles à l’invitation de la communauté Amish.

Par ce pardon accordé, les Amish ont signifié leur refus de se laisser entraîner dans une logique de rancoeur et de vengeance. Leur charité chrétienne a tout simplement désamorcé la spirale du mal. « Ô mort, où donc est ta victoire? », ne voudrait-on pas dire avec eux, et surtout quelle belle leçon de vie évangélique. Le radicalisme évangélique est passé par Nickel Mines ce jour-là.